Robert Palmer, Un Anglais Au "Funkyland"

Publié le par olivier

Robert Palmer, Un Anglais Au "Funkyland"

Frivole ou rigoureux? Ringard ou sophistiqué? Innovateur ou opportuniste? Roublard ou exquis? Robert Palmer? Ou aussi: frivole et rigoureux, ringard et sophistiqué, innovateur et opportuniste, roublard et exquis. Robert Palmer. Ou mieux: rigoureux frivole, ringard sophistiqué, innovateur opportuniste, roublard exquis. Robert Palmer. Peut-être, mais cela ne résout rien. Essayons encore.

Il existe quelque part un monde si heureux qu'il a même perdu la vertu de la paresse. Une terre de nuits aromatiques obscures comme des diamants noirs. Une île dans laquelle, depuis toujours, tout est pareil mais rien n'est identique. C'est pourtant un lieu comme tant d'autres. Une autre oasis perdue dans le désert des tropiques. Si ce n'était lui. Un homme aux cheveux blonds et au teint pâle. Un "gentleman" aguerri à la rigueur des éléments.

Il s'appelle - vous l'avez probablement déjà deviné - Robert Palmer et il est né à Batley, dans le Yorkshire, il y a trente-et-un ans.

Son enfance se déroule à Malte. A son retour en Angleterre, il commence à s'intéresser au Rhythm 'n' Blues américain et, dès la sortie du collège, joue de manière semi-professionnelle dans quelques petits groupes tout en gagnant sa vie en tant que graphiste car la musique, au moins au début, calme l'esprit mais pas l'estomac.

A dix-neuf ans, il s'enrôle comme chanteur dans le Alan Bown Set et, un an plus tard, dans Dada, un groupe de Jazz-Rock qui se transformera peu après en Vinegar Joe. Là, notre garçon joue de la guitare rythmique et partage le travail vocal avec Pete Gage et Elkie Brooks, mais les choses ne se sont jamais complètement mises en place et, fin 1973, le groupe s'effondre.

Quelques mois plus tard, Palmer contacte Chris Blackwell, le patron d'Island, qui l'envoie à la Nouvelle-Orléans pour enregistrer son premier disque en solo, Sneakin' Sally Through The Alley, sous la tutelle du producteur américain Steve Smith.

C'est alors que Robert Palmer prend possession de son île: le "Funkyland", un territoire découvert il y a longtemps, mais dans lequel peu de Blancs avaient mis les pieds et encore moins avaient tenté de s'établir. 

Trois ans avant l'explosion du son Disco, alors que le style Philadelphia et le Rock Gay étaient à l'agonie, un Anglais aux airs de gigolo impénitent a eu l'audace de réaliser un album chaleureux, sensuel, voire lascif et surtout dansant.

Les critiques ont réagi comme attendu : "Soul blanche"? "Funky, vraiment"? "Mais nous n'avions pas convenu que le Rock était de l'art"? Et pourtant, il y avait de la qualité. Mais c'était peut-être trop subtil, trop élégant.

Dans ses albums suivants, Robert Palmer continuera à combiner rythmes tropicaux, Ska, Reggae, Calypso, Rhythm 'n' Blues aux accents du Sud. Toutefois, le résultat est inégal. A côté d'oeuvres magnifiques - comme Double Fun ou Secrets - il y en a d'autres de transition - Pressure Drop - ou simplement médiocres.

Robert Palmer, Un Anglais Au "Funkyland"

Nous arrivons ainsi à Clues, son sixième et dernier album en date, et celui qui servira de base au lancement de Robert Palmer en Espagne. Le disque est le résultat d'une association en principe absolument contre nature: Robert Palmer, le pimpant "play-boy" et Gary Numan, l'androïde pneumatique.

Et bien? Le mieux est peut-être de comparer I Dream Of Wires, une chanson de Numan qui apparaît sur le dernier album de l'artiste Technopop, avec la version de Palmer sur Clues. Soudain, et sans trop savoir comment, le souffle glacé de Numan commence à s'échauffer et devient presque une brise. Mais, en même temps, parce que la thermodynamique ne pardonne pas, Palmer lui-même s'est refroidi.

L'album - qui comprend une magnifique version de Not A Second Time de Lennon & McCartney - ne dégage plus cette atmosphère torride, écoeurante et parfois suffocante des albums précédents.

L'ascétisme a remplacé la luxure. La retenue au lieu de l'exubérance. La distinction forte entre le squelette et la joyeuse célébration de la chair.

Et pourtant, les questions demeurent: Frivole ou rigoureux? Ringard ou sophistiqué? Innovateur ou opportuniste? Roublard ou exquis? Robert Palmer?

La série de réponses reste ouverte. C'est ton tour, bébé. 

Traduit de l'Espagnol (Los Domingos De ABC - mars 1981)

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