Rendez-Vous Avec Le Moon (partie 1)

Publié le par olivier

Rendez-Vous Avec Le Moon (partie 1)

A perte de vue, le boulevard électrique filait vers la mer. 8 PM et la nuit caresse peu à peu les sommets des buildings. Je me tasse un peu plus au fond des fauteuils de cuir noir de la Limo de location.

En faisant jouer l'interrupteur, la vitre automatique de la porte arrière-gauche s'est abaissée émettant un petit sifflement auto-satisafctoire. Je me suis penché pour observer la Lune, elle était aux trois-quarts pleine et brillait d'une intensité inhabituelle qui irradiait les couches successives de smog.

Pourquoi me laissais-je aller à raconter toutes ces salades? La Lune semblait me narguer ouvertement.

Au croisement avec la Cienega, la portière s'est ouverte d'un coup pour laisser passer une forme maigre. J'ai reconnu John peut-être à cause du reflet de ses lunettes. Nous nous sommes salués en silence tandis que le chauffeur relançait sa caisse monstrueuse. Le feu est passé au vert.

Une vingtaine de miles nous séparait de l'océan, ce qui nous laissait tout le temps pour faire plus ample connaissance; cher passager, laisse-moi donc te présenter John "Moon" Martin qui nous accomagne dans ce trip et dont le nouvel LP, Mystery Ticket, ne tardera pas à rencontrer notre orbite.

"En fait, j’hésite encore entre deux titres, Desert 13 ou Mystery Ticket. Pour moi, c’est toujours très drôle de chercher un titre d’album. D’ailleurs, je ne comprends pas les mecs qui se contentent d’un titre de chanson comme titre général. Je trouve cela assez ennuyeux.

C’est important, à ton sens, de conserver ce côté fun lorsque tu fais un disque ?

Ça devient drôle dès l’instant où je sais que je suis enfin en train d’obtenir ce que je veux.

Est-ce le cas aujourd’hui ?

J’en ai bien l’impression. Robert Palmer le produit avec moi. Nous enregistrons depuis la mi-septembre dans son studio de Nassau. C’est marrant, j’ai cherché un producteur a Londres pendant des semaines et c’est à New-York que j’ai rencontré Bob, par hasard. Là-bas, nous avons bossé tous les deux sur l’album d’Andrew Gold.

Robert Palmer et John "Moon" Martin aux studios Compass Point, Bahamas (1982)

Robert Palmer et John "Moon" Martin aux studios Compass Point, Bahamas (1982)

Tu accroches avec la musique de Robert Palmer?

J’aime beaucoup les deux derniers, Secrets

… Où justement il reprend ta chanson, Bad Case Of Loving You

…et Clues.

Tu ne crois pas que choisir Palmer à la prod revient à sélectionner un son fort électronique ?

J’ai écouté des productions de Robert, comme le Peter Baumann ou le Desmond Dekker ; tu peux me croire, ce que je fais n’est pas près de sonner comme du Tangerine Dream. Cela dit, ce sera sûrement plus électronique que tout ce que j’ai pu faire jusqu’à présent…

Comment ressens-tu la musique européenne ?

En général, j’écoute très peu de musique. Je ne suis pas comme Robert qui balade partout son walkman. Ce type fait une consommation abusive et astronomique de cassettes. Cela dit, grâce à ses cassettes, j’ai découvert un truc français que j’aime bien, une petite fille du nom de… heu… Lio. C’est marrant, parce que toutes les petites amies que j’ai eues ressemblent à Lio…

Tu connais d’autres disques français?

Non… mais ça ne veut rien dire ; je ne connais rien non plus au rock américain et, pourtant, c’est là que je vis. J’aime mieux bouquiner, Pour je ne sais quelle raison, je ne parviens pas à puiser mon inspiration dans la musique que j’écoute ; pour moi, elle transparaît bien plus dans les livres et les films.

Rendez-Vous Avec Le Moon (partie 1)

Rapidement, les derniers films qui t’ont marqué ?

Heavy Metal, mais dommage que le scénario soit aussi décousu. Les Aventuriers De L’Arche Perdue, c’était super, comme le History Of The World de Mel Brooks. Je précise, qu’en général, je suis assez bon public.

A quand le prochain world tour ?

Si tout va bien, au printemps.

Dans ton cas, est-ce l’œuf ou la poule qui est apparu en premier ou, si tu préfères, le disque ou la scène ?

Tu sais, je joue dans des groupes depuis que j’ai douze ans. J’ai commencé à Vernon, Texas, ma ville natale. A 200 miles au Nord d’Austin, juste à côté de la frontière avec l’Oklahoma. le paysage des plaines telles que l’on peut les imaginer. D’ailleurs, The Last Picture Show a été tourné à Vernon. J’y suis resté jusqu’à mes 17 ans. Cela dit, l’air du Texas n’a pas trop déteint sur ma musique, au contraire. Mes influences se situent plus du côté de Buddy Holly, Jerry Lee Lewis, Little Richard ou les premiers artistes Atlantic comme Big Joe Turner. Pour revenir à ta question de tout à l’heure, je crois que je ne peux plus concevoir ma vie sans le studio, mais je ne me vois pas pour autant abandonner la scène. Pour moi, les deux ont une égale importance. D’ailleurs, lorsque j’enregistre, je garde toujours à l’esprit la matérialisation live de ce que je suis en train de faire. C’est pour cette raison qu’il m’est assez facile de reproduire sur scène le son de mes disques. En plus, je crois que je serais bien incapable d’enregistrer quelque chose que je ne saurais pas jouer sur scène, c’est une question d’honnêteté intellectuelle. Dans un sens, je fais des disques pour la satisfaction de les faire vivre sur scène. Je ne sais pas s’il en sera ainsi toute ma vie, mais en tout cas, le dernier album conserve cet esprit-là.

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Après le Texas, tu es parti à la fac ?

Oui, quelques temps. J’ai fréquenté une fac de chimie avec la mauvaise volonté la plus caractérisée: je préférais m’enfermer au fond d’un garage irrespirable avec mon groupe de l’époque, les Disciples. Le groupe a décidé d’attaquer la Californie et c’est ainsi que je me suis retrouvé à L.A.

Vous aviez déjà un label ?

Oui, un vieux label noir de L.A. qui appartenait à un ex-Président de Motown. Nous étions les seuls blancs sur Venture Records. Au bout de deux ans, le groupe a splitté. Moi, j’ai survécu grâce à différents petits boulots. J’ai conduit un camion, j’ai même été gardien d’un parc d’attractions désaffecté.

Ça n’était pas Disneyland, je présume ?

Pas vraiment, tu t’en doutes. Ça s’appelait Lake Enchanto, à 30 miles à l’ouest de L.A. Ce parc avait eu son heure de gloire dans les années quarante. Il était fermé pour des raisons de sécurité, mais des mecs tentaient tout le temps d’y pénétrer pour piquer des trucs. En tant que gardien, j’avais une maison au beau milieu de ce parc désert et c’est là que j’ai commencé à écrire mes premières compositions : c’était en 72… non, en 73. Par la suite, un mec m’a branché sur sa société de livraisons. Il lui fallait un chauffeur pour le week-end, j’ai accepté en me disant que ça me laissait tout le reste de la semaine pour bosser ma musique."

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